Une agence immobilière des Lilas (Seine-Saint-Denis) aurait relayé des instructions du propriétaire d'un appartement à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) de ne pas louer le bien à un individu noir. Le Défenseur des droits s'est autosaisi et a ouvert une enquête.
C'est une histoire surprenante et à laquelle on a un peu de mal à croire tant elle semble outrancière. Pourtant, désormais l'affaire fait scandale.
Résumons donc l'histoire : fin novembre 2016, un homme qui cherche un logement à louer, visite un appartement à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine. Au cours de cette visite, il aurait découvert, posée sur un meuble, une fiche technique rédigée par l'agence immobilière des Lilas, en Seine-Saint-Denis, qui organise la visite. Sur cette fiche concernant l'appartement, aurait figuré une mention donnant des critères pour sélectionner les locataires : " Nationalité française obligatoire. Pas de noir. Immeuble avec des policiers uniquement ...". La fiche recommandant donc de choisir quelqu'un de bien.
Photo postée sur Twitter
Le visiteur aurait alors pris une photo du document et l'aurait posté sur les réseaux sociaux pour dire son indignation. Il aurait également interpellé l'agence immobilière chargée de la location. Mais c'est seulement il y a quelques jours, lorsque France Info s'en empare, que l'histoire se transforme en polémique.
Si l'affaire semble surprenante, ça n'est malheureusement pas parce qu'on aurait du mal à croire qu'une agence et un propriétaire puissent imposer des critères raciaux pour la location d'un appartement. La pratique est hélas utilisée et sans doute assez fréquente. Mais en général, ce genre de consigne n'est évidemment pas écrite. Ces pratiques, scandaleuses et totalement illégales, punies par la loi, sont généralement glissées discrètement et surtout oralement.
D'où un premier étonnement, puisqu'il y aurait là un document rédigé par l'agence. Document qu'en plus, quelqu'un laisse "traîner" et abandonne dans l'appartement. Et sur lequel "tombent" les visiteurs. Trois hasards ou négligences bien surprenants !
D'étonnement en étonnement
Etonnement encore que l'on puisse, en toute tranquillité lors de la visite, prendre une photo du document technique de l'agence. Sans que l'agent immobilier qui fait visiter ne s'interpose.
Etonnement enfin qu'une telle histoire, qui vient trop rarement au grand jour (alors que les pratiques discriminatoires existent bel et bien), mette autant de temps à rencontrer un écho alors que bien des futilités provoquent de nos jours un buzz planétaire immédiat.
D'autres éléments, dès que l'on se penche sur cette histoire, accentuent le sentiment d'être en face d'une affaire outrancière. Ainsi, nos confrères du Parisien, qui ont enquêté sur place, ont pu constater que la mention "immeuble avec des policiers uniquement" figurant dans le texte incriminé était obsolète depuis longtemps. Autrefois, l'immeuble était loué par la préfecture de police, leur dit un habitant, mais c'est du passé, depuis longtemps semble-t-il. Quant au "critère ethnique" il semble également ne pas "être d'actualité" dans l'immeuble !
Depuis que l'affaire provoque un certain émoi, l'agence immobilière concernée et sa maison mère réfutent toute intention discriminante et renvoient les responsabilités à d'autres. Ce qui n'est guère étonnant et ne prouve rien. La propriétaire nie tout racisme, toute consigne et même son mandat de location à l'agence. Ce qui n'est pas étonnant non plus et ne prouve rien, là encore.
Le Défenseur des droits s'est autosaisi et a entrepris une enquête. L'association antiraciste Maison des potes-Maison de l'Egalité a de son côté annoncé avoir déposé plainte contre l'agence immobilière et la propriétaire de l'appartement pour "subordination d'offre locative à un critère de nationalité et de couleur de peau".
On peut donc espérer en apprendre un peu plus sur cette étrange histoire.